Dimanche 3 novembre, anniversaire de la Réformation:A la recherche de l’esprit protestant
10 octobre 2002
Etre protestant, ça veut dire quoi ? Au-delà des clichés qui ont fait du réformé un être de devoir austère, volontiers rabat-joie et travaillé par la culpabilité, qu’est-ce qui fait l’identité protestante? L’anniversaire de la Réformation est l’occasion d’évoquer ce qui fonde le protestantisme, ce qui en fait sa spécificité, mais aussi de rappeler la diversité parfois embarrassante de ses Eglises et communautés, dont une minorité, travaillée par le fondamentalisme, a fait récemment parler à travers une pétition de soutien à Israël
Etre protestant, c’est un style de vie né d’une conviction : Chacun, où qu’il soit, est un être d’une valeur infinie. Chacun peut répondre de sa vie et dire « je !» Pour Daniel Marguerat, professeur de Nouveau Testament, qu’importent les stéréotypes, l’attitude intérieure seule compte, qui confère une liberté d’esprit, une ouverture aux autres, une éthique qui structurent et donnent sens à la vie.
Cette confiance infinie qu’évoque le théologien amène tout naturellement le protestant à tutoyer son Dieu. Sa relation personnelle avec Lui se fonde sur la certitude d’un salut qu’il a reçu gratuitement dans la foi. La justification par la foi est déterminante et constitue le fondement de la théologie protestante. Loin d’inciter le croyant au laisser-aller existentiel, sous prétexte que quoi qu’il fasse, il sera sauvé, sa foi en la grâce de Dieu l’engage à vivre l’amour du prochain dans le respect de l’autre, se montrer responsable et solidaire, et accorder sa vie à une grande exigence éthique. Elle lui a donné le goût de la vérité, qui le pousse à évoluer sans cesse.
§Protestant protestataire « Le protestant est un être qui atteste de sa foi et proteste, c’est-à-dire dénonce les injustices au nom des valeurs bibliques auxquels ils croit », résume avec conviction le pasteur Jean-Daniel Hostettler, formateur d’adultes dans la région lausannoise. Il rappelle qu’à l’origine le mot protestant était un qualificatif dont leurs détracteurs affublèrent les premiers Réformés au 16e siècle, parce qu’ils refusaient les dogmes et les indulgences de l’Eglise de Rome et ne reconnaissaient que l’autorité de l’Ecriture. Dieu seul, l’Ecriture seule, la grâce seule : la Réforme toute entière tient dans ces quelques mots.
« Le protestant, précise Jean-Daniel Hostettler, témoigne que la vie du Christ est la vie vraie, et il se montre solidaire des autres, sachant qu’il n’y a pas de paix sans justice ni de liberté sans responsabilité, mais aussi qu’on ne peut pas être sauvé tout seul ».
§La seule autorité de la BiblePour Bernard Reymond, professeur honoraire de théologie pratique à l’Université de Lausanne, la liberté de la foi devient « une liberté dans la foi ». « Le protestant se réfère à la Bible, lue et comprise indépendamment des dogmes qu’on voudrait lui imposer. Le protestant se refuse à diviniser ce qui est humain, d’absolutiser ce qui est relatif : « Soli Deo Gloria, à Dieu seul la gloire ! ». Le théologien Paul Tillich appelle cette attitude spirituelle fondamentale contre toute divinisation de ce qui n’est pas Dieu, le principe protestant.
Cette volonté de dire les Evangiles avec plus de simplicité et sans intermédiaire, librement et avec intelligence, est aux yeux de Bernard Reymond ce qui fait la force du protestantisme, ce qui façonne son esprit de recherche, son acceptation de la confrontation des idées, en un mot son ouverture d’esprit. « Etre protestant, c’est faire un effort de la pensée pour se forger une opinion personnelle, avec un esprit critique et humaniste », précise encore le théologien lausannois. Le protestant ne craint ni le conflit et ni la contestation.
Le protestantisme a aussi souligné l’importance de la prédication de l’Evangile. Toutefois, précise André Gounelle dans le mensuel Le Protestant, « une prédication n’est vraiment évangélique que si elle se fonde sur le texte, lui reste fidèle et se donne pour mission de le rendre vivant et actuel. »
§Dérives fondamentalistesCette lecture autonome de la bible peut entraîner des dérives. Elle est à l’origine du biblicisme fondamentaliste qui s’est exprimé récemment dans une pétition aux accents apocalyptiques, lancée par des organisations issues de la mouvance évangélique de Suisse, qui stigmatise la politique anti-israélienne de la Confédération. En protestant libéral, Bernard Reymond dénonce avec vigueur ce qu’il appelle le fétichisme du texte, soit la lecture sans conscience de la bible. Poussée à l’extrême, une lecture au pied de lettre aboutit au même type de discours que les islamistes qui lisent le Coran sans distance.
Le théologien vaudois explique que les fondamentalistes chrétiens accordent en fait à la bible la fonction médiatrice, qui revient au Christ seul. « C’est le Christ qui est Parole de Dieu. Il est au Centre des Ecritures et leur donne sens, il est l’unique médiateur de la grâce de Dieu».
§A chacun son regard sur la bible Pour Jean-Daniel Hostettler, tout intégrisme provient d’une lecture étroite et figée de l’Ecriture. Dans son travail de formation avec des adultes, il est attentif à encourager une lecture rigoureuse et exigeante de la bible, qui ne se satisferait pas de répéter ce qu’un magistère déclarerait être la « lecture juste » et « l’interprétation juste » de l’Ecriture.
Cette éthique protestante de liberté, de responsabilité et de rigueur a-t-il rendu le protestant étranger au plaisir? La littérature en a souvent fait un être austère, rigoriste, parfois pète-sec, d’une modestie qui confine à l’orgueil. « Pourquoi ne pas parler avec tendresse de ces traits tant gorillés, propose Jean-Daniel Hostettler, et voir les qualités qui nous ont permis de nous structurer intérieurement et d’acquérir une solide éthique de vie et des valeurs démocratiques? La démocratie telle que nous la connaissons en Occident est issue du protestantisme qui a toujours refusé toute autorité hiérarchique. Dans leur souci de rester modestes, dans leur horreur du tape-à-l’œil, les protestants oublient de le rappeler".
« Il y a une Réforme qui est joyeuse, pas flamboyante il est vrai, mais qui prend la vie du bon côté, affirme pour sa part Bernard Reymond. Pourquoi mettre tous les protestants dans le même sac ? Il y a une grande diversité d’attitudes humaines qui cohabitent dans la famille protestante, une grande pluralité d’Eglises et de communautés qui ne partageant pas forcément la même théologie ni les mêmes points de vue éthiques». Une diversité parfois bien embarrassante pour ceux qui sont à la recherche du point de vue protestant unique sur tel ou tel problème de société. Or la pensée unique n’est par définition pas protestante !
Cette confiance infinie qu’évoque le théologien amène tout naturellement le protestant à tutoyer son Dieu. Sa relation personnelle avec Lui se fonde sur la certitude d’un salut qu’il a reçu gratuitement dans la foi. La justification par la foi est déterminante et constitue le fondement de la théologie protestante. Loin d’inciter le croyant au laisser-aller existentiel, sous prétexte que quoi qu’il fasse, il sera sauvé, sa foi en la grâce de Dieu l’engage à vivre l’amour du prochain dans le respect de l’autre, se montrer responsable et solidaire, et accorder sa vie à une grande exigence éthique. Elle lui a donné le goût de la vérité, qui le pousse à évoluer sans cesse.
§Protestant protestataire « Le protestant est un être qui atteste de sa foi et proteste, c’est-à-dire dénonce les injustices au nom des valeurs bibliques auxquels ils croit », résume avec conviction le pasteur Jean-Daniel Hostettler, formateur d’adultes dans la région lausannoise. Il rappelle qu’à l’origine le mot protestant était un qualificatif dont leurs détracteurs affublèrent les premiers Réformés au 16e siècle, parce qu’ils refusaient les dogmes et les indulgences de l’Eglise de Rome et ne reconnaissaient que l’autorité de l’Ecriture. Dieu seul, l’Ecriture seule, la grâce seule : la Réforme toute entière tient dans ces quelques mots.
« Le protestant, précise Jean-Daniel Hostettler, témoigne que la vie du Christ est la vie vraie, et il se montre solidaire des autres, sachant qu’il n’y a pas de paix sans justice ni de liberté sans responsabilité, mais aussi qu’on ne peut pas être sauvé tout seul ».
§La seule autorité de la BiblePour Bernard Reymond, professeur honoraire de théologie pratique à l’Université de Lausanne, la liberté de la foi devient « une liberté dans la foi ». « Le protestant se réfère à la Bible, lue et comprise indépendamment des dogmes qu’on voudrait lui imposer. Le protestant se refuse à diviniser ce qui est humain, d’absolutiser ce qui est relatif : « Soli Deo Gloria, à Dieu seul la gloire ! ». Le théologien Paul Tillich appelle cette attitude spirituelle fondamentale contre toute divinisation de ce qui n’est pas Dieu, le principe protestant.
Cette volonté de dire les Evangiles avec plus de simplicité et sans intermédiaire, librement et avec intelligence, est aux yeux de Bernard Reymond ce qui fait la force du protestantisme, ce qui façonne son esprit de recherche, son acceptation de la confrontation des idées, en un mot son ouverture d’esprit. « Etre protestant, c’est faire un effort de la pensée pour se forger une opinion personnelle, avec un esprit critique et humaniste », précise encore le théologien lausannois. Le protestant ne craint ni le conflit et ni la contestation.
Le protestantisme a aussi souligné l’importance de la prédication de l’Evangile. Toutefois, précise André Gounelle dans le mensuel Le Protestant, « une prédication n’est vraiment évangélique que si elle se fonde sur le texte, lui reste fidèle et se donne pour mission de le rendre vivant et actuel. »
§Dérives fondamentalistesCette lecture autonome de la bible peut entraîner des dérives. Elle est à l’origine du biblicisme fondamentaliste qui s’est exprimé récemment dans une pétition aux accents apocalyptiques, lancée par des organisations issues de la mouvance évangélique de Suisse, qui stigmatise la politique anti-israélienne de la Confédération. En protestant libéral, Bernard Reymond dénonce avec vigueur ce qu’il appelle le fétichisme du texte, soit la lecture sans conscience de la bible. Poussée à l’extrême, une lecture au pied de lettre aboutit au même type de discours que les islamistes qui lisent le Coran sans distance.
Le théologien vaudois explique que les fondamentalistes chrétiens accordent en fait à la bible la fonction médiatrice, qui revient au Christ seul. « C’est le Christ qui est Parole de Dieu. Il est au Centre des Ecritures et leur donne sens, il est l’unique médiateur de la grâce de Dieu».
§A chacun son regard sur la bible Pour Jean-Daniel Hostettler, tout intégrisme provient d’une lecture étroite et figée de l’Ecriture. Dans son travail de formation avec des adultes, il est attentif à encourager une lecture rigoureuse et exigeante de la bible, qui ne se satisferait pas de répéter ce qu’un magistère déclarerait être la « lecture juste » et « l’interprétation juste » de l’Ecriture.
Cette éthique protestante de liberté, de responsabilité et de rigueur a-t-il rendu le protestant étranger au plaisir? La littérature en a souvent fait un être austère, rigoriste, parfois pète-sec, d’une modestie qui confine à l’orgueil. « Pourquoi ne pas parler avec tendresse de ces traits tant gorillés, propose Jean-Daniel Hostettler, et voir les qualités qui nous ont permis de nous structurer intérieurement et d’acquérir une solide éthique de vie et des valeurs démocratiques? La démocratie telle que nous la connaissons en Occident est issue du protestantisme qui a toujours refusé toute autorité hiérarchique. Dans leur souci de rester modestes, dans leur horreur du tape-à-l’œil, les protestants oublient de le rappeler".
« Il y a une Réforme qui est joyeuse, pas flamboyante il est vrai, mais qui prend la vie du bon côté, affirme pour sa part Bernard Reymond. Pourquoi mettre tous les protestants dans le même sac ? Il y a une grande diversité d’attitudes humaines qui cohabitent dans la famille protestante, une grande pluralité d’Eglises et de communautés qui ne partageant pas forcément la même théologie ni les mêmes points de vue éthiques». Une diversité parfois bien embarrassante pour ceux qui sont à la recherche du point de vue protestant unique sur tel ou tel problème de société. Or la pensée unique n’est par définition pas protestante !