Le système humanitaire mondial vacille

En Ukraine, l’EPER fournissait de l’eau potable, réparait des maisons et mettait en place des abris d’urgence. Désormais, ces initiatives sont gelées. / © Havard Hovdhaugen/HEKS/EPER
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En Ukraine, l’EPER fournissait de l’eau potable, réparait des maisons et mettait en place des abris d’urgence. Désormais, ces initiatives sont gelées.
© Havard Hovdhaugen/HEKS/EPER

Le système humanitaire mondial vacille

Inquiétude
Le système humanitaire international est au bord de l’effondrement. Telle est l’alerte lancée par l’EPER dans sa newsletter du 12 février. La raison? La suspension soudaine du financement américain.

Il y a quelques semaines, les Etats-Unis ont interrompu leur assistance étrangère, à l’exception de l’aide destinée à Israël, à l’Egypte et de l’aide alimentaire d’urgence. Ce gel vise à s’assurer que les différents programmes sont alignés avec la politique que souhaite mener Donald Trump. Cette décision soudaine de la nouvelle administration de Washington affecte durement les actions de l’Entraide protestante suisse (EPER) en Ukraine, en Ethiopie et en République démocratique du Congo (RDC). 

Conséquence immédiate: près de 900'000 personnes se retrouvent privées d’un soutien essentiel. En Ukraine, par exemple, l’EPER intervient principalement dans des zones rurales autour de Sloviansk, où peu d’autres organisations sont présentes. Là-bas, l’œuvre d’entraide suisse est en première ligne pour fournir de l’eau potable, réparer des maisons et mettre en place des abris d’urgence. Désormais, ces initiatives sont gelées. 

Bernhard Kerschbaum, directeur du département de coopération mondiale de l’EPER, exprime son inquiétude: «Nous avons perdu 7,5 millions de francs, soit 6% de notre budget. Ces fonds devaient provenir de l’agence de développement américaine USAID. Nous devons faire face à des licenciements, mais nous ignorons encore combien d’employés seront affectés.» Dans les faits, une centaine de postes en Ethiopie, en RDC et en Ukraine sont menacés.

Avenir incertain pour les populations

En RDC, le financement américain permettait la construction d’infrastructures essentielles, comme un pont bénéficiant à plus de 40'000 personnes. Ce projet est aujourd’hui en suspens, en attente d’un soutien de l’Union européenne ou de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Bernhard Kerschbaum souligne l’absence d’autres organisations d’aide dans ces régions, aggravant la précarité des populations locales. 

«Nos réserves sont déjà allouées à des projets spécifiques. Nous faisons appel aux paroisses et aux donateurs privés pour maintenir ces aides vitales», plaide-t-il. Il rappelle que la situation en RDC est critique, avec plus de 6 millions de déplacés vivant dans des conditions dramatiques.

L’ensemble du système humanitaire touché

Cette suspension américaine ne menace pas seulement l’EPER, mais l’ensemble du système humanitaire international. Les Etats-Unis sont le plus grand bailleur de fonds de l’aide humanitaire mondiale. Si cette tendance se confirme, les Nations unies, via des agences comme l’Unicef ou le HCR, devront aussi réduire leurs programmes, mettant en péril des millions de vies. Les organisations locales, plus petites et dépendantes de ces fonds, risquent tout simplement de disparaître. Dans ce contexte, Bernhard Kerschbaum appelle à une prise de conscience: «La Suisse, riche et stable, a le devoir de poursuivre son engagement humanitaire. Réduire l’aide dans un monde en crise est irresponsable.» 

Malgré cette situation alarmante, le directeur du département de coopération mondiale de l’EPER garde une forme d’espoir, puisant dans son expérience en Afghanistan et au Sri Lanka. Il y a vu des populations résilientes se relever de l’adversité avec courage. Mais il prévient: «Aujourd’hui, nous sommes à un tournant décisif. Si nous laissons tomber ces millions de personnes, les conséquences seront tragiques.»