La solidarité mijotée depuis trente ans

L’équipe de bénévoles au complet. / ©Anne Vallelian
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L’équipe de bénévoles au complet.
©Anne Vallelian

La solidarité mijotée depuis trente ans

Anne Vallelian
30 janvier 2025
Solidarité
Une équipe de bénévoles s’engage à offrir un repas une fois par mois à la salle Etraz à Montreux. Reportage en plein coup de feu de midi.

L’effervescence en cuisine est palpable. L’équipe de bénévoles est sur le pied de guerre depuis 7 heures du matin. En ce froid mardi de décembre, un délicieux fumet nous réconforte et nous réchauffe à peine la porte de la salle Etraz franchie. Les bénévoles s’affairent à dresser les assiettes. Au menu du jour? Une terrine suivie d’un jambon à l’os et son gratin, le tout couronné par une immense forêt noire. En pleine période de l’Avent, le menu est festif. 

«En temps normal, la salade remplace la terrine», précisent Yvette Depallens et Yvette Matti, toutes deux bénévoles des repas-partage depuis trente ans. Passionnée de cuisine, Yvette Depallens a toujours eu à cœur de proposer des plats simples qui plaisent aux personnes seules. Concocter un menu pour autant de personnes n’effraie pas l’équipe de bénévoles. «Nous sommes plusieurs à mettre la main à la pâte, la cuisine est très bien équipée et j’ai fait beaucoup de camps pour les enfants, je suis rodée», confie-t-elle avec le sourire. 

Les premiers convives arrivent, se saluent et s’installent. Certains ont leur table habituelle, à l’instar de Walther et Ersilia qui viennent régulièrement. «Ces repas-partage sont toujours un plaisir», souligne Walther. «Les organisateurs se donnent beaucoup de peine et ont le sens de l’accueil.» A leur table, Lise, organiste depuis une quarantaine d’années à la paroisse de Montreux, partage son enthousiasme: «Ces mardis sont pour moi l’occasion de voir d’autres personnes et d’échanger.» 

Ouverts à tout le monde, sans distinction de religion, ces repas sont également une belle illustration de l’œcuménisme: Walther et Ersilia appartiennent à la paroisse catholique, tandis que Lise vient de la paroisse protestante.

Une Eglise qui va à la rencontre des gens

Ces moments de partage trouvent leurs racines dans une initiative portée il y a trente ans par le pasteur Jacques Ramuz, animé par une profonde fibre sociale. «Dans les années nonante, alors que le chômage sévissait, nous avons mis en place avec Yvette Depallens et Yvette Matti ces repas pour les personnes seules, de passage ou les familles», explique l’ancien pasteur de Montreux. Avant de s’engager tardivement dans son ministère pastoral, Jacques Ramuz a été éducateur pendant de longues années, une expérience qui a profondément marqué son engagement social. Retraité actif, il apporte désormais son aide comme bénévole et prononce souvent quelques mots avant le repas. «Cette fibre sociale ne m’a jamais quitté. Je crois en une Eglise qui va à la rencontre des gens et qui les invite», souligne-t-il.

Un geste de gratitude

En cuisine, l’équipe des bénévoles s’entend à merveille. «Nous formons une bonne équipe», confient les deux Yvette. Parmi les souvenirs marquants de ces trois décennies, elles racontent une anecdote pleine d’émotion: «Pendant des années, nous donnions les restes des repas à une famille dans le besoin. Récemment, cette mère de famille est venue nous offrir un bon de 100 francs pour nous remercier de l’avoir aidée durant toutes ces années. Avec ce bon, nous avons acheté la forêt noire servie aujourd’hui. C’est une belle reconnaissance qui fait chaud au cœur.» 

Les repas sont gratuits, mais un panier est disposé à la sortie pour ceux qui souhaitent faire un don. «Grâce à cette corbeille, nous parvenons à rentrer dans nos frais.» Une manière discrète mais efficace de maintenir cette initiative solidaire et chaleureuse qui, depuis trente ans, fait rimer partage avec entraide et convivialité.